[Archives] Le métier de streameur

Cet article a été écrit en 2016, il sera corrigé/mis à jour prochainement.

Une des questions que l’on me pose le plus fréquemment quand je streame, c’est « est-ce que tu vis du stream » ou « que fais tu à coté ». Certains (mes proches) ne comprennent pas que je puisse accepter de me faire exploiter comme ça, tandis que d’autres (les viewers) fantasment souvent sur ce métier de rêve. Lors de mes streams, j’aborde souvent le sujet, mais c’est difficile d’aller aux fonds des choses. C’est l’occasion pour moi ici d’expliquer ce que fait réellement un streameur.

La passion du jeu vidéo

Pour une grande majorité des gens, jouer à un jeu vidéo, c’est du plaisir. Une minorité de joueur va streamer, et encore une minorité de streameurs pourra en dégager des revenus (disons plus de 100€ par mois). Lorsque je dois expliquer ce que je fais dans la vie, c’est souvent un « Ben, heu, je me filme en train de jouer sur une webtélé » un peu gêné. Forcément, on a pas vraiment l’impression que ce soit un vrai métier, surtout que le jeu vidéo se coltine toujours une image puérile.

Techniquement, streamer, c’est donner l’envie à un spectateur de vous regarder jouer, au lieu qu’il ne joue lui même. Pour ça, il y a différents leviers. Certains vont être des animateurs, vont rendre le jeu plus vivant, et apporter leur personnalité. D’autres vont être pédagogue, essayer de vous apprendre à mieux jouer, à profiter au plus possible de votre jeu. Certains vont performer, jouer au meilleur niveau, soit en compétitif sur les jeux multi, soit en speed run sur les jeux solo. On peut aussi caster, c’est à dire commenter les parties d’autres joueurs, en général des compétitions.

Streamer, c’est aussi, contrairement à la création de contenu sur Youtube, être en direct : peu d’artifices liés au montage, des spectateurs qui peuvent réagir avec vous. Ce qui au départ est une activité ludique devient vite aussi une obligation : on passe d’un stade où on lance le stream et on le coupe quand on a envie à une tâche qu’on prévoit, un planning qu’on respecte. On passe d’un stade où l’on joue quand on veut, à un stade où l’on joue pour des gens.

Streamer, au départ, c’est comme jouer sur son canapé avec quelques amis à cotés, on partage un bon moment. Et si vous êtes chanceux, votre audience grandit. Alors, il faut contenter un maximum de personne. Il y a ceux qui viennent voir du jeu, et ceux qui viennent vous voir. Ceux qui poseront des questions, ceux qui seront silencieux, ceux qui voudront votre attention, ceux qui vous insulteront par plaisir. Alors il faut faire des choix sur ses activités, sur sa façon de communiquer, pour plaire aux gens à qui on veut plaire.

Parfois, vous n’aurez pas forcément envie de streamer. Ça peut être l’ennui pour le jeu, ca peut être la mauvaise humeur, un mal de crâne, une forte toux. Et c’est là qu’on se rend compte que.. c’est aussi un travail. Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dis, ce n’est pas un travail éreintant, c’est un métier de passionné et je me considère comme privilégiée de pouvoir l’exercer. Mais ça reste un travail, avec ses hauts et ses bas. Parfois vous vous réveillez avec l’impatience d’avancer sur vos projets, et des fois, vous trainez les pieds.

Le streaming, faire tout, sauf streamer

Mais streamer, ce n’est pas que streamer. Si vous voulez développer votre activité, il va falloir faire plus que jouer.

Déjà, vous allez évidemment avoir besoin d’un matériel et d’une connexion correcte, et de savoir bien configurer tout ça. Suivant les jeux, ça peut être assez sportif. Savoir configurer vos scènes, vos alertes, essayer de comprendre ce qui rend le mieux sur vos streams.

En général, il faut aussi maîtriser un peu le graphisme, pour vos overlay (habillage). Évidemment, des choses souvent très simples à faire pour un professionnel, mais qu’il faut apprendre à savoir faire.

Il va aussi falloir communiquer avec les gens, que ce soit par le chat de twitch, en le modérant, ou par l’intermédiaire des réseaux sociaux, poster régulièrement des statuts, des photos..

Vous allez aussi devoir regarder d’autres streams. Pour comprendre ce qui marche, ce qui ne marche pas. Rester à la page, suivre les compétitions, les différentes scènes compétitives.

Et bien évidemment, il faut jouer. Il est souvent difficile de faire progresser son niveau de jeu en stream (l’esprit n’est pas focalisé sur le jeu), alors il faudra aussi jouer hors stream, de façon à toujours proposer un niveau de jeu qui attire vos viewer. Même si c’est principalement du loisir, c’est nécessaire pour développer votre activité de streameur.

Enfin, streamer, c’est aussi dormir peu. Si vous rejoignez une chaine, on vous demandera, suivant vos contrats, de travailler très tard le soir (et n’espérez pas gagner plus). Pas de jours fériés, pas de congés payés. Le monde d’internet ne s’arrête jamais, et il faut contenter vos spectateurs au maximum.

Une autre chose à laquelle on ne pense pas forcément, ce sont tout les aspects financiers. Les revenus sont souvent déclarés sous différents statuts, les sources multiples, il faut apprendre à tenir une comptabilité, quand vous touchez certains salaires à M+1 et d’autres à M-1.

Alors, évidemment, on peut sous traiter toutes ces taches. Avoir un technicien pour le PC, avoir un graphiste pour vos overlay, un régisseur pour vos scènes, un comptable pour vos revenus. C’est le choix qui est fait pour les grosses webtv, qui mettent en place des studio, où l’on mutualise ces compétences. Certains joueurs pro ont même leurs propres community manager qui gèrent leurs réseaux sociaux. Le streameur ainsi entouré peut se concentrer sur le streaming, et donc être plus performant dans son domaine. Mais faire appel à des professionnels, ce sont des dépenses, il faut donc pouvoir générer le bénéfice pour que ce soit rentable en échange.

Mon évaluation personnelle, c’est que pour toute heure de stream d’un « indépendant », il doit y avoir au moins l’équivalent en temps de jeu hors stream, et disons, 30 minute de travail annexe. Ainsi, lorsqu’un streameur vous dit qu’il fait 20h de stream par semaine, il joue aussi 20h de plus, et passe 10h à faire du montage, du graphisme, à s’occuper de ses réseaux.. mais seules ses heures de stream sont rémunérées.

Bien évidemment, un streameur lancé dans l’activité depuis longtemps aura plus de facilité, grâce à l’habitude, ses compétences et ses relations, à optimiser son temps de travail.

Je sais que personnellement, je suis au début de mon activité, et que je me suis trouvée parfois piégée sous la masse de choses à faire, et que je commence à mieux m’en sortir. On résume souvent l’activité du streameur a « être payé  pour jouer ». Au final, j’ai plus envie de me présenter comme « une entrepreneuse dans le divertissement vidéo-ludique », tant les compétences à maitriser sont variées.

C’était la partie un, d’une tentative de vous expliquer ce qu’est mon travail. Dans la seconde partie à venir, on parlera rémunération, statuts légaux, avenir de l’activité, bref, les sujets qui fâchent !

Je tiens à préciser que l’article est le fruit de mon ressenti et de différentes discussions avec des acteurs du marché. Pas l’unique vérité.

5 réflexions sur « [Archives] Le métier de streameur »

  1. Style très épuré j’ aime bcp. Très bon article aussi, on sens la passion mais aussi tout ce que cela implique, les revers, le travail, l’ implication. Bon courage bonne continuation. Vallaraukkar.

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  2. j’ai adoré cet article (comme Vallaraukkar) parce qu’il est très bien construit, dresse un panorama rationnel du job et en même temps transmet l’énergie de la passionnée…
    Je ne suis pas streamer mais ce que est décrit ici est assez conforme à qu’on imagine quand on creuse un peu le sujet. Être écartelée entre la partie « paillette » (tu vis au cœur de ta passion, c’est trop cool. Tu dois rencontrer des gens trop ouf, je t’envie trop…) et la partie « manger » (revenus réduits, si t’es pas content quelqu’un d’autre le fera pour moins cher, horaires et management parfois irrationnels, regards des autres sur la légèreté du statut, peu d’élu(e)s, business aléatoire au début… ), c’est ce qu’on retrouve dans bcp de métiers de passion (sportifs, cinéma, pub, télé, mode, restauration…). Il y faut beaucoup de courage, de volonté et de chance pour tenir le coup et atteindre un statut qui te permet d’en vivre correctement.
    A mon tout petit niveau, je t’encourage à continuer et surtout à trouver le ton qui t’est propre et qui fera, à la fin, que les viewers viendront pour toi et ce « truc spécial » qui te différencie (et qui fait qu’on reconnait tout de suite même si cela ne plait pas forcément à tout le monde) qu’ont par exemple des bestmarmotte, torlk, oliech ou même lowelo (plus récemment).
    => C’est d’ailleurs souvent en regardant des univers symétriques qu’on trouve l’inspiration… Petit parallèle avec le chef qui cherche « sa »cuisine, et « se trouve » après moult apprentissages, essais, rencontres, travail etc… (http://www.atabula.com/cyril-lignac-restaurant-boulangerie-projet-entretien/) et qui, comme toi, « se lève chaque matin avec l’envie d’être meilleure que la veille »
    Bon vent !!! DurUndal.

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  3. Super article!
    J’attends la seconde partie avec impatience. C’est une profession qui est encore assez mal connue en France et j’espère lire encore beaucoup d’articles à ce sujet sur ton blog!

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  4. Comme mes prédécesseurs, un style agréable à lire et une sincérité tout bonnement touchante que je tiens à souligner.

    A l’image de bcp de gens qui t’ont découverte (ou te découvrent), je dois bien admettre que je ne connaissais pas la notion de transgenre et te remercie de m’avoir permis de me cultiver sur le sujet.

    Enfin, pour paraphraser « V For Vendetta » : « Mais d’abord, et par-dessus tout, je veux que vous sachiez que, bien que je ne vous connaisse pas et ne vous connaîtrai jamais, que nous n’ayons partagé ni rire, ni larme, ni un baiser, je vous aime, de tout mon cœur, je vous aime ».

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